mardi 14 mai 2013

De la linéarité dans BioShock Infinite

J'ai parcouru le jeu vidéo BioShock Infinite, un des grands succès du moment. J'étais intrigué par les 2 premiers BioShock qui avaient beaucoup marqué de part leur atmosphère et leur univers, mais que je n'avais pas eu l'occasion d'essayer. Comme là, l'histoire repartait sur une nouvelle trame, j'ai pris le train en marche... Etrangement, la critique que je me suis faite de ce jeu m'a amené au jeu de rôle. La voici.

L'image suivante résume bien le thème du jeu :
BioShock Infinite - cité dans le ciel et vieilles pétoires

Ce que j'ai beaucoup apprécié

Un scénario très intelligent. Très difficile à résumer. Si vous êtes suffisamment courageux et intrigués, mais pas assez pour y jouer, allez lire : http://en.wikipedia.org/wiki/BioShock_Infinite#Synopsis , http://bioshock.wikia.com/wiki/Zachary_Hale_Comstock. J'applaudis car c'est fort, original, adulte et avec une magnifique conclusion.

Une atmosphère forte, sombre. Un mélange d'uchronie, de thèmes Jules Vernes / steampunk, d'une terrible dystopie, et d'un classique de science fiction autour de dimensions parallèles - tout ce que j'aime ! La violence très présente est toujours amenée de manière choquante, ce qui n'en banalise pas l'impact. Des thèmes sérieux, traités sans politiquement correct, comme l'intégrisme religieux, le racisme, la lutte des classes, etc.

Un sens artistique très bien vu et homogène, en accord avec cette atmosphère. Des décors impressionnants et variés. Cette ville aérienne et ses différents quartiers est belle et crédible (!). Ainsi que les adversaires majeurs que l'on rencontre. Mon seul regret est le personnage d'Elizabeth qui nous accompagne pendant quasi toute l'aventure. Le jeu parvient a nous donner une réelle empathie avec elle. Mais rien à faire, je trouve qu'elle ressemble à une princesse de Disney... Dommage.

Ce qui m'a beaucoup déçu

C'est un FPS, donc je m'attendais sans surprise à que l'on tire frénétiquement. Mais de manière plus originale que cela quand même... J'ai eu l'impression de jouer à jeu d'il y a 10 ans :
  • Des ribambelles d'armes à ramasser (heureusement, on ne peut en garder que 2 à la fois), dont un lance-roquette... en 1912... oui, madame. Même dans une uchronie steampunk, j'aurais aimé un peu plus d'originalité dans les armes.
  • Des pouvoirs pas franchement originaux, surtout visuels et rarement plus utiles qu'une grenade dans un autre jeu.
  • De la santé et des munitions. De l'argent aussi, pour s'acheter de la santé et des munitions.
  • Des options tactiques sympathiques, comme les rails aériens et le pouvoir d'apparitions d'objets interdimensionnels sur les champs de bataille... mais au final, cela revient à récupérer de la santé et des munitions.
  • Jamais de pénurie, donc jamais besoin de chercher des solutions différentes.
  • Des effets scénaristiques lourdingues comme le boss du moment qui se moque de vous par haut-parleur avant de vous envoyer son monstre : en général, celui-ci meurt très vite car vous avez eu plusieurs minutes pour vous préparer à l'arroser copieusement.
Et surtout, le jeu est un très long couloir sans variantes de chemins. Sinon certaines zones à "explorer" - pour trouver quoi ? De la santé et des munitions.
Bref, comme jeu de shoot, décevant si on cherche autre chose qu'un pur défouloir.

Au final, ce qui fait mal est que ce gameplay simpliste ruine la richesse du scénario. Le joueur se retrouve spectateur pendant un très long film. Je m'ennuie pendant les combats jusqu'au prochain dialogue ou la prochaine scène de découverte, où là ENFIN j'y prend du plaisir. Mais donc... on ne joue pas le scénario... Aucune prise sur les scènes de transitions : s'il faut tomber dans un piège, vous tombez dans un piège... Il y même des moments où vous avez le choix d'"interagir" en appuyant sur une touche - la seule touche autorisée - pour lancer l'action et la suite. Si en plus, dans votre progression, vous vous heurtez sur un obstacle ou un adversaire trop dur, vous ne connaîtrez pas la fin de cette belle histoire - la carotte est très amère.

Conclusion - avec du jeu de rôle dedans

Ceci m'amène à une réflexion générale, et sur le jeu de rôle. Et oui !
Une histoire si riche, centrée sur le personnage principal, et avec un parcours imposé pour en optimiser l'expérience, cela s'appelle un film. Ou une série. Ou une BD. Un média visuel linéaire et non-interactif. J'avoue m'être demandé si j'aurais pu simplement regarder ou même lire l'histoire de BioShock Infinite. J'aurais sans doute été séduit par les mystères initiaux et les révélations successives donc, je répondrais oui dans les deux cas.

Un jeu vidéo, cela doit être interactif, et je suis sûr qu'il y a des moyens d'être plus interactif que ce que propose Bioshock Infinite. Sinon, autant regarder le film, cela est moins frustrant et plus efficace. Jouer en vue subjective une histoire ultra-scriptée, cela peut sembler plus immersif un temps sur quelques effets bien calibrés, mais vite, on va voir les fils en coulisse, les évènements programmés, ou les zones à piller qui restent vide.

Et une partie de jeu de rôle ? En gros, tout ce que je reproche à ce jeu doit être évité de la même manière du point de vue des joueurs d'une table de JdR.
 
En tant que MJ, certes, le travers à éviter est connu depuis longtemps (même si l'on peut tomber dedans sans s'en rendre compte si l'on n'y prend pas garde...) :
Ne pas écrire tout un scénario complètement ficelé à l'avance, et sur lesquels les joueurs n'ont aucune prise.
J'ai ainsi réalisé que j'ai vécu ce travers en position de joueur dans BioShock Infinite. Arg. Re-arg.

Rappelez-vous, lorsque vous êtes Maître de Jeu, des principes fondamentaux des jeux narrativistes, qui rendent le jeu ouvert pour les joueurs comme le MJ. Je le résumerais ainsi :
Posez un problème, et laissez les joueurs décider de son issue.

Cela me rassure sur un point : le JdR ne sera pas tué par le jeu vidéo... pas tant que les blockbusters vidéoludiques restent ainsi.

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